ERJA LYYTINEN: Forbidden Fruit (2013)

Erja Lyytinen nous livre son cinquième album. Force est de constater que la Belle manie la Stratocaster et la guitare slide avec élégance, dans un style Bluesy/Jazz/Pop. Les compositions originales sont relativement bien peaufinées et la prise de son ainsi que la production sont impeccables. La voix est indéniablement superbe. Mais… Il y a un « mais » !

On est plus proche de la « radio music » américaine à la sauce finlandaise que du Blues pur et dur. C’est propre, chiadé, rutilant mais sans rugosité et surtout sans passion (un comble, avec le physique que se paye notre diva). J’entends déjà certains d’entre vous hurler au scandale : « Ouaaah ! Il est fou, lui ! Sale macho ! Bœuf incompétent ! Primate ringard ! Réac' sécessionniste !». Je m’explique donc avec quelques exemples.

« At Least We Still Fight » pourrait être un bon morceau s’il n’était pas plombé par cette descente d’accords jazzy sur le refrain.
« Forbidden Fruit », en mettant de côté son intro style musique ethnique, est un titre bien mélodique, un pop/blues dans le registre de « Slowhand », version années 90. Mais, même si elle fait ce qu’elle peut, Erja Lyytinen ne sera jamais un Eric Clapton au féminin.
L’intro de « Death Letter » s’annonce bien avec son dobro mais l’arrangement ainsi que la suite d’accords choisie gomment l’agressivité du morceau. Un bon vieux blues en trois accords aurait été bien mieux senti.
Le début de « Change Of Season » rappelle le « Norvegian Wood » des Scarabées de Liverpool et le refrain fait penser à Pat Benatar roulant une pelle à Kate Bush. D’un point de vue strictement musical, c’est assez bon. Miss Erja maîtrise plutôt bien sa guitare mais joue avec trop de retenue, ce qui nuit au feeling de la chanson.
Elle ne se lâche que sur « Jealousy », avec une slide agressive et saturée. L’intro et le refrain tapent du côté du Blues mais la suite laisse perplexe. N’est pas Patti Smith qui veut !
Avec « Press My button », on s’ennuie ferme. Encore une fois, le choix des arrangements étonne. Ce titre devrait péter des flammes. Ok, la belle Finlandaise nous fait une petite démonstration de slide mais sans grande originalité. Elle ne remplacera pas le vieux Ry Cooder (lui, il aurait fait tourner tout ça).
Quant au dernier morceau, « Things About Coming My Way », il est carrément saboté par une batterie lourdingue, échappée tout droit d’une fanfare municipale. Tout cela aurait été bien plus poignant avec uniquement sa voix et sa seule guitare. On devrait la conseiller un peu mieux au niveau des arrangements. Ou alors, la volonté du passage en radio à tout prix a prévalu. Il est sûr que ce disque ferait un carton sur la bande FM, entre deux annonces publicitaires.
Décidément, un ver a grignoté ce « Fruit Défendu » ! Comme quoi, on peut avoir toutes les cartes en main (un beau visage, des jolies fesses, une belle guitare, une superbe pochette, une voix en or) et ne pas empocher la mise au final avec une galette totalement aseptisée sur le tapis.

Attention! Je ne descends pas cet album. Il est rudement bien foutu. Simplement, il n’est pas à mettre dans toutes les oreilles. Les amateurs de Pop, de Folk ou de Jazz crieront sans doute au génie. Les fans de Norah Jones se jetteront sur ce disque. Les rockers passeront leur chemin.
Bon, j’arrête là mes récriminations avant de déclencher un incident diplomatique avec la Finlande.
Olivier Aubry